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Charmante petite île au nord-est de la presqu’île du Jutland, au Danemark, Læsø est connue pour sa production de sel ignigène qui remonte à plusieurs siècles, et qui, tout au long du Moyen Âge, constitua sa ressource économique principale.
Une technique ancestrale, reposant sur la cristallisation du sel par évaporation de saumure, où l’eau de mer était mise à cuire dans des récipients placés sur un foyer, d’où le qualificatif « ignigène » (d’ignis, le feu). Une technique systématisée, d’une efficacité et d’une ampleur telle qu’historiens et archéologues s’accordent pour la décrire comme une véritable industrie.
Les quantités de bois nécessaires à une production de cette envergure étaient considérables, de telle sorte que, vers le milieu du XVIIe siècle, l’île dut faire face à un déboisement total. La production de sel ignigène fut donc interdite par loi, et, ce n’est qu’au début du XXe siècle le reboisement de l’île fut entrepris.
C’est en 1990 que la production de sel reprend à Læsø, selon les mêmes procédés qu’au Moyen-Âge. Les salines sont reconstruites, conformément aux sources historiques à disposition, et le sel redevient la principale ressource économique de Læsø. La production actuelle s'élève à 64 tonnes par an.
La pointe nord du Danemark, et l'île de Læsø
Crédit photo: http://www.jkelloggs.dk
Des conditions géologiques particulières
Le Danemark compte une multitude d’îles, mais seule Læsø bénéficie de conditions géologiques particulières, qui ont favorisé l’exploitation du sel, à travers les âges. Elle possède, en effet, des nappes d’eau souterraine saline, qui résultent de l'infiltration de l’eau de mer, au travers des couches superficielles du sol. Ces nappes sont concentrées dans la partie sud de l’île, appelée Rønnerne, une zone de prés-salés, qui, durant la période d’hiver, est inondée par la mer. L’eau traverse les couches superficielles de sable, et se retrouve retenue à un ou deux mètres de profondeur, par une épaisse couche d’argile, appelée yoldialer. Au printemps, lorsque l’eau se retire, les marais s’assèchent, emprisonnant le sel. Au fil des ans, le taux de salinité des nappes souterraines atteint 12-16 % (en comparaison, les eaux du détroit du Kattegat ne titrent que 2,5% quant à la concentration courante pour l’eau de mer, elle oscille entre 2 et 4 %).
Paysage des Rønnerne
Crédit photo: Jens Arne Christiansen
Flore des Rønnerne
Credit photo: http://www.visitlaesoe.dk
Autre facteur d’augmentation du taux de salinité du sol dans les prés-salés, la présence d’une plante marine, hindebæger, la lavande de mer (limonium vulgare) , qui recouvre de larges étendues, et qui a la particularité d’absorber l’eau de mer, de reconduire le sel par les vaisseaux vers les racines, et enfin de le ré-excréter à l’extérieur.
Lavande maritime sur l'île de Læsø
Crédit photo: Jens Arne Christiansen
La production du sel
Après avoir été pompée, l’eau des nappes souterraines est acheminée dans les salines. Là, elle est versée dans de grands bacs de 1 m de large, 2 m de long et 15 cm de profondeur, appelés poêles, d’une contenance de 300 litres qui assureront, lors de la période de chauffe, une évaporation maximale.
Poêles et four à bois
Crédit photo: http://saltsyderiet.dk/
La température de l’eau est, durant tout le processus maintenue entre 80 º C et 85 º C, de façon à ce que le sel se cristallise lentement à la surface. Au fur et à mesure, il est recueilli à la main, et de l’eau de mer est rajoutée dans les bacs. Il est essentiel de chauffer la saumure lentement, car elle contient, du sulfate de magnésium, communément appelé sel amer, qui se cristalliserait immédiatement, si la température montait trop rapidement.
Le sulfate de magnésium se concentrera toutefois, petit à petit, à mesure que l’eau s’évapore, pour finir par se cristalliser.
Par ailleurs, lors du processus de chauffe, des espèces minérales précipitent, telle la goethite, qui colore le sel en brun rouille. Connue depuis la préhistoire, la goethite a été utilisée comme pigment dans les peintures de la grotte de Lascaux.
Récolte du sel
Crédit photo: http://saltsyderiet.dk/
Il est donc important, avant que ne précipitent et le sulfate de magnésium et la goethite, de vider les poêles et de les remplir à nouveau de saumure fraîche, ce qui est fait une fois par semaine.
Le sel récolté est aussitôt placé dans des paniers, qui seront entreposés sous les combles, en vue du séchage.
Crédit photo: http://saltsyderiet.dk/
Crédit photo: Kirsten Østergaard
Propriétés thérapeutiques
Les eaux salées de la Mer Morte, riches en minéraux, sont réputées pour soigner, entre autres, le psoriasis et les rhumatismes. Il semblerait que celles de Læsø aient les mêmes propriétés et c’est pour cette raison qu’un centre de cure a été créé, qui propose différents traitements thérapeutiques du psoriasis, ainsi que des programmes de remise en forme. Aux dernières nouvelles, elles seraient bénéfiques pour les maladies d'origine pulmonaire.
Le sel de Læsø en cuisine
Ce qui m'a conquise dans ce sel, c'est tout simplement son goût, long en bouche, dont on deviendrait vite dépendant. Pas de cristaux friables, qui fondent délicieusement sur la langue, comme c'est le cas avec la fleur de sel de Maldon, mais un sel poreux, aux grains réguliers, plus rustique, moins surprenant. C'est un sel que l'on peut utiliser comme sel de préparation, pour le Gravad Laks, ou gravlax, auquel il confère une saveur marquée, ou ... pour saler des magrets. Cela dit, c'est comme sel de finition que je le préfère, avec le poisson bien sûr, mais aussi les légumes, les desserts et les pâtisseries.